L'acceptabilité sociale de Natura 2000, ce réseau européen de sites protégés, est en net progrès. Il s'agit là de l'une des conclusions d'un rapport (1) effectué par des hauts fonctionnaires des ministères de l'Ecologie et de l'Agriculture à la demande de Ségolène Royal qui souhaitait dresser une évaluation du dispositif en France.
Cette bonne acceptabilité est sans doute l'un des éléments importants qui explique les gros progrès enregistrés par la France. "Alors que durant les années 2000, la France se trouvait en situation délicate, à la fois en termes de transposition des directives et de désignation des sites, elle se retrouve désormais en situation nettement plus favorable, figurant dans le trio de tête des pays européens (avec la Suède et l'Autriche) en matière de nombre de sites dotés d'un plan de gestion", relève le rapport. La France compte désormais 1.758 sites couvrant plus de 6 millions d'hectares terrestres, soit 12,64% de la superficie terrestre métropolitaine, et 4 millions d'hectares en mer.
Climat apaisé et constructif
"Le contexte général est apaisé et assez généralement constructif, au terme d'une évolution qu'il est possible de caractériser comme exceptionnelle, si l'on veut bien se souvenir du climat tendu, voire conflictuel, de la seconde moitié des années 1990 et du tout début des années 2000", relèvent les auteurs du rapport. Ces derniers soulignent l'évolution de la plupart des fédérations professionnelles et de certains élus qui avaient pu être hostiles au dispositif dans le passé.
Ils expliquent cette évolution positive par deux choix fondateurs qui, d'ailleurs, se rejoignent. Tout d'abord, une forte délégation aux acteurs de terrain, qui a permis de "s'adapter aux spécificités locales" et "de ne pas homogénéiser (…) les modes de fonctionnement et d'intervention" qui restent donc variables selon les régions. La mise en place d'un réseau d'animateurs de terrain ensuite, dont le nombre s'élève aujourd'hui à 800. De ces animateurs dépend la mise en œuvre des documents d'objectifs (Docob), qui définissent les orientations de gestion des sites, mais surtout "la qualité du climat local autour de Natura 2000".
La mission a également relevé le bénéfice lié à l'implication des élus qui président environ 60% des comités de pilotage (Copil) chargés de suivre la mise en œuvre des Docob.
Volcan incomplètement éteint
Les auteurs du rapport restent toutefois très prudents, parlant d'"un volcan incomplètement éteint". "La priorité donnée au contractuel et le rejet a priori des options de protection réglementaires de sites Natura 2000 sont au cœur de cette adhésion", relève le rapport qui doute finalement de la réelle adhésion des acteurs aux ambitions des directives "oiseaux" et "habitats", en vertu desquelles les sites sont désignés.
Les auteurs de la mission dressent un état contrasté des positions des différents protagonistes. Celle des agriculteurs est présentée comme "complexe", avec une attitude aujourd'hui très positive des organisations professionnelles nationales qui tranche avec les tensions constatées sur le terrain, exacerbées par la conjoncture agricole et les incertitudes sur les aides agricoles. Les acteurs de la forêt sont présentés, quant à eux, comme divisés : attitude plutôt positive des communes forestières et de l'ONF, vigilance des propriétaires forestiers. La mission relève encore "une position réservée" des acteurs institutionnels, collectivités et mêmes de certains établissements publics.
Le rapport constate par ailleurs, dans certaines parties du territoire, des zones de tension ainsi que des manifestations d'hostilité à toute nouvelle contrainte administrative, susceptibles de raviver les tensions contre Natura 2000. D'autant que le dispositif est bien souvent perçu comme "un projet venant d'en haut, avec des ambitions scientifiques difficiles à vulgariser, et surtout des difficultés à démontrer des résultats à la hauteur des surfaces concernées et des efforts consentis". Les rapporteurs constatent également que les critiques de certaines associations sur le niveau des résultats obtenus peuvent susciter des réactions hostiles de professionnels ayant le sentiment de s'être conformés à la réglementation.
En bref, l'équilibre semble fragile et les rapporteurs relèvent la crainte des acteurs que l'Etat veuille "rompre unilatéralement, pour des raisons essentiellement budgétaires, le pacte social sur la base duquel l'apaisement s'est construit".
Pas de logique de réseau
Finalement, tout semble se passer comme si le réseau Natura 2000 était en train de se construire lentement sans que ses contributeurs en aient réellement conscience. "La perception porte très prioritairement sur un site ou sur une collection de sites, et très peu sur une logique de réseau reposant sur des solidarités, interactions et complémentarités", relèvent les auteurs de la mission.
Mais sans doute est-ce plus efficace ainsi, compte tenu des craintes vis-à-vis des projets imposés par Bruxelles et de l'importance accordée à l'implication des acteurs locaux. "La suppression de la référence explicite à Natura 2000 permet souvent de dépasser [les] réserves et d'obtenir un engagement [des] acteurs en faveur d'espèces emblématiques ou d'actions de connaissance qui contribuent de façon significative à la politique Natura 2000", constate ainsi le rapport.